Shinichi SUZUKI : Un éducateur de talent (1898-1998)

Suzuki3Fils d’un luthier à Nagoya au Japon, Shinichi Suzuki s’intéresse à la musique à la fin de son adolescence, en écoutant des disques et essayant d’en reproduire les mélodies par ses propres moyens.

Pendant un long voyage d’études en Allemagne à la fin des années 20, il étudie le violon avec Karl Klingler alors professeur au conservatoire de Berlin, et se lie d’amitié avec Albert Einstein dont la personnalité l’influençe profondément.

Confronté aux difficultés de l’apprentissage d’une langue étrangère, il s’interroge beaucoup sur les mécanismes d’apprentissage de la langue maternelle et leur parallélisme avec l’étude d’un instrument.Suzuki10

Fasciné par la facilité avec laquelle les enfants apprennent leur langue, il se met à approfondir les raisons et les conditions qui leur permettent une telle aisance, et se pose la question suivante : « Si ce système marche si bien pour notre propre langue pourquoi ne pas l’appliquer à d’autres domaines comme la musique ou les mathématiques ? »

suzuki4Il observe ainsi qu’une période d’écoute importante est nécessaire avant la restitution de la langue et que l’écoute se poursuit même quand l’enfant commence à parler. Il remarque que l’attitude positive des proches offre un stimulus primordial pour l’enfant dans le développement de son langage. De plus la pratique quotidienne de notre langue est également une des raisons essentielles qui font que nous pouvons la parler avec aisance.

De la langue maternelle à la musique il n’y a qu’un pas, dans les deux cas nous sommes dans le monde des sons. Shinichi Suzuki dès les années 50 encourage ses élèves à écouter régulièrement les œuvres des plus grands compositeurs et celles qu’il désire leurs faire étudier. Les résultats sont surprenants et les élèves apprennent bien mieux qu’auparavant.

Suzuki7De plus ayant déjà réalisé l’impact de l’environnement dans l’apprentissage de l’enfant, il demande dans un premier temps aux mères de venir assister aux leçons de leur enfant et de suivre leur pratique à la maison. Il leur apprend même les premiers rudiments de l’instrument. Les résultats dépassent ses espérances, les élèves se sentent soutenus dans leurs études et ne tardent pas à maîtriser en quelques années des œuvres connues du répertoire comme le concerto pour deux violons de Bach.

D’autres facteurs sont déterminants dans l’élaboration de sa pédagogie. : les petits frères ou sœurs des élèves à qui il enseigne, et qui assistent aux leçons, désirent eux aussi apprendre. Il commence leur apprentissage et remarque qu’ils apprennent deux fois plus vite que leurs aînés, l’âge idéal pour démarrer semble alors s’établir selon lui entre 3 et 5 ans.

Suzuki11Observant ces jeunes enfants dans leur comportement, il remarque qu’ils s’expriment avec des gestes courts et rapides, il écrit ainsi les célèbres variations sur le thème populaire de « Ah ! vous dirai-je maman » de Mozart, dont les rythmes correspondent mieux au terrain d’expression naturel des jeunes enfants.

A partir de ces variations il mettra en valeur dans les années 60 un répertoire de chansons populaires, de danses et pièces de l’époque baroque et classique.

Suzuki13Il insiste beaucoup sur le fait que les élèves apprennent les morceaux par cœur, l’expression musicale est ainsi d’une qualité bien plus élevée, de plus leur mémoire se développe et ils apprennent les morceaux suivants avec plus d’aisance.  » La maîtrise engendre la maîtrise.  » Il recommande aux élèves de rejouer régulièrement les morceaux qu’ils savent déjà pour en améliorer l’expression. Pour Shinichi Suzuki c’est ainsi que le talent s’acquiert.

Il observe que lorsque les élèves étudient leurs morceaux à plusieurs ils se sentent beaucoup plus motivés. Le groupe devint ainsi pour lui un outil pédagogique important dans lequel l’élément ludique prend sa place et complémente la leçon individuelle en facilitant l’assimilation des exercices techniques jusqu’ici plutôt rébarbatifs.

Suzuki14Shinichi Suzuki reconnaît certes que certains élèves vont plus vite que d’autres, mais une chose devient certaine pour lui, la création d’un environnement de qualité autour de l’enfant permet à un bien plus grand nombre de réussir. Il ira encore plus loin dans sa recherche et amènera parents et éducateurs à remarquer combien la vision positive ou négative qu’ils ont de leur enfant ou leur élève peut avoir sur eux une influence importante. Ainsi, si un père ou une mère est persuadé de la capacité de son enfant à réussir quelque chose et lui manifeste régulièrement des encouragements, l’enfant prend confiance en lui, et peut accomplir beaucoup

Les travaux de Shinichi Suzuki ont trouvé un impact dans le monde entier, son approche est enseignée dans plus de cinquante pays. En Europe, une équipe de professeurs ayant travaillé sous sa direction au Japon ont créé l’Association Européenne Suzuki dans les années 80, elle comporte à l’heure actuelle dix huit pays. Tout en poursuivant ses travaux, cette équipe très active a fait évoluer cette pédagogie l’ouvrant notamment à d’autres styles de musiques ; ethniques, jazz, traditionnelles. Des milliers d’enfants peuvent ainsi aborder la musique de façon plus attrayante sans négliger l’importance de la rigueur. Ils bénéficient avec leurs parents d’une approche qui vise autant le développement humain que musical. Cette vision éducative plus large, contribue à ce que beaucoup plus d’enfants connaissent les joies de la pratique instrumentale.

La Pédagogie Suzuki : Une éducation du talent

La méthode d’enseignement développée par Shinichi Suzuki repose sur l’apprentissage de la musique selon les mêmes concepts que l’apprentissage de la « langue maternelle ». Sa pédagogie s’est développée en un mouvement international qui a contribué à l’évolution des théories sur l’éducation des enfants. Le Dr. Suzuki de par son dévouement et son humilité, inspira un nouvel élan pédagogique qui de l’Australie aux États-Unis, de l’Afrique du Sud à la Scandinavie, est enseigné aujourd’hui à près d’un million d’enfants. Il n’eut de cesse de partager cette pédagogie jusqu’à son dernier souffle de vie en janvier 1998.

Suzuki15Cette méthode est non seulement pédagogique, mais aussi philosophique. Elle est fondée sur le respect de l’enfant en tant qu’individu et sur la conception que l’habileté s’apprend, se développe et surtout ne s’hérite pas. Suzuki appelle sa méthode « éducation du talent », parce qu’il croit que le talent n’est rien d’autre que le développement des capacités présentes en chaque enfant. Les travaux menés par Shinichi Suzuki ont prouvé que le niveau moyen de capacité de tout individu est bien plus élevé qu’on ne le croit communément. Lors de grands concerts, si la Méthode Suzuki a les moyens de réunir des centaines d’enfants sur une scène, c’est parce que le talent n’est pas réservé à de quelques privilégiés. Au contraire, il a été développé en chacun de ces enfants au-delà de toute espérance.

Outre l’apprentissage d’un instrument, l’éducation du talent a beaucoup d’autres avantages. Les enfants peuvent débuter à un âge plus précoce (autour de 3 ou 4 ans) que celui jugé adéquat par le système traditionnel. Ils auront acquis une grande habileté à l’âge où traditionnellement on les considère prêts à débuter. Les progrès ne sont pas dictés par des objectifs déterminés à l’avance. C’est l’enfant lui-même s’il est respecté et encouragé, qui sera le générateur de progrès ce qui lui apportera équilibre et épanouissement.

Les enfants ayant débuté très jeunes apprennent plus profondément et jouent avec plus d’aisance. Le répertoire est sans cesse joué tant à la maison qu’en cours de groupe. Cela entraîne le développement de la mémoire, une étape fondamentale dans l’épanouissement de l’esprit et l’aisance de l’expression. Dès le départ les élèves apprennent à mémoriser et reproduire des rythmes et des mélodies grâce à l’écoute. Graduellement, les pièces ainsi que le répertoire des élèves s’allongent au point que lors de concerts, ils sont capables de jouer par coeur pendant plus d’une heure. Les élèves progressent avant tout avec ce qu’ils connaissent et maîtrisent depuis longtemps, d’où leur capacité à acquérir des gestes précis.